mercredi 10 mars 2010

we can be heroes


Une étonnante précocité : maîtrise de l’allemand et de l’anglais dès l’âge de dix ans ; son premier article à l’âge de onze ans, lit Emmanuel Kant dans le texte, son oncle l’initie à François Villon et François Rabelais, il étudie la philologie et le sanskrit. Erudit, mais dédaigneux des programmes : il rate son baccalauréat, il abandonne ses deux grands projets poétiques (Faust et Prométhée), et détruit des milliers de vers qu’il avait jusqu’à présent rédigés.

Il fait des recherches sur la Rome Antique : ses bas-fonds, sa pègre et sa prostitution. Il fait des recherches sur l’argot : s’inspire de Lacenaire, de Vidocq, de Villon ; l’argot comme langue artificielle et codée, langue des coquillards, sa lanterne rouge.

Y avait un tapis-franc qu’était peint en rouge ;
Après la lourde y’avait une lanterne rouge.

Il s’installe dans un entresol encombré de livres, avec une armoire, une table, un divan-lit, donnant sur une cour obscure.
Il vit au milieu des livres, il s’inventait par les livres.

(On raconte que Thomas de Quincey déménageait à chaque fois que son appartement était plein de livres. Il fait de même.)

« Il lit ses contes dans sa petite chambre, d’un ton péremptoire, d’une voix blanche ; ses auditeurs demeurent sous le magnétisme du regard illuminant le front de ce gros petit homme, à la figure douce et poupine, virgulée par la moustache qu’il porte alors. »

Quand il est invité à manger chez des amis, il apporte son « plat à lui » : un livre anglais qu’il traduit devant eux. (Un livre de Stevenson, de Poe, de Whitman, de Defoe, de Twain)

« J’ai pour maîtresse une toute petite fille qui est bien bête, mais si gentiment. »
Minée par la tuberculose, elle meurt à 25 ans.
« et nous égoïstes, nous étions agacés par cette façon de souffrir si longtemps à cause d’une morte. »

Un mal mystérieux qui le ronge. Diversement diagnostiqué, il subit cinq opérations successives : il est comme un « chien vivisectionné ». La morphine comme seul palliatif. Et ensuite l’opium et l’éther.

Un héritier de Nerval et des Illuminés ? Un héritier de Flaubert et de Salammbô ?
Il est "l'expert", il est "celui qui sait".

Londres, Jersey, Paris, Uriage, Suez, Port-Saïd, Aden, Ceylan, l’Australie… les îles Samoa, le Portugal, l’Espagne, l’Italie, la Suisse. Mais les voyages et les déplacements n’enlèvent pas la détresse physique.

« Il entre blanc comme un linge. »

Sur son lit de mort on ne parvient pas à lui fermer les yeux.

1 commentaire:

Gabrielle a dit…

(Est-ce que je t’ai raconté que nous étions allés voir la Mer Sauvage, de l’autre côté de l’île ? ... c’est tout à fait splendide, les vagues se lèvent plus haut que des maisons, et on les voit toutes transparentes et vertes en l’air.)