lundi 16 août 2010

Rooms




1

Tu la trouves comment ?
Comme une chambre d’hôtel !
On va y être bien, non ?
Comme on peut être bien dans une chambre d’hôtel.

2
Chambre 57

Ne dis rien. Non, ne dis rien. Restons dans le noir. Non, n’allume pas. Restons dans le noir. Embrasse-moi. Oui. Embrasse-moi.

3

C’est bien, tu as pris une chambre double. On n’aura pas à dormir ensemble.
De toute façon, on n’est pas venu pour dormir. Ensemble ou non. On est là pour parler.

4
             Chambre 84

Ils s’embrassent. Se laissent tomber sur le lit. Elle dessous, lui dessus. Ils s’embrassent encore et encore. De longs et tendres baisers florentins. Il lui caresse les seins. Son souffle se coupe, se saccade. Elle gémit. Il aime quand elle gémit. Il aime lui caresser les seins et lui couper le souffle. Il aime lui caresser les seins à lui couper le souffle. Elle descend sa main vers son sexe.

            5

De quoi veux-tu que l’on parle ?
De nous. De ce que nous faisons maintenant. De ce que nous décidons.
C’est tout décidé.
Ce n’est, peut-être, pas si simple.

6
Chambre 6

Il glisse la main dans sa culotte et pour la première fois il touche son sexe : gonflé. Elle l’agrippe encore plus fort. Elle en a tellement envie. Elle le veut. Oui. Maintenant. À l’oreille elle souffle : « Fais-moi l’amour. »

7

Franchement, je ne vois pas ce qui est compliqué ou ce qui n’est pas simple : c’est fini entre nous, voilà. Maintenant, à nous d’être intelligents et de gérer demain au mieux.

8
Chambre 32

Elle prend son sexe dans sa main et le branle. Cadence et rythme. Son souffle se fait régulier. Puis il s’accélère. Va-t-il jouir ? Que doit-elle faire ? Continuer ? S’arrêter ? Elle a envie de voir son sperme sur son ventre. Elle a envie de cette odeur. Elle continue.

9
Oui, gérer demain.
On n’est pas obligé de se quitter en se faisant la gueule et la guerre. On est là pour ça, non ? Tu ne comptais pas sur week-end pour des retrouvailles ?
Non.
Un non qui veut dire si.

10
Chambre 19

On s’aimera toujours ? 
Oui.
Comme je t’aime.

11

Tu vas l’appeler ?
Je ne vois pas pourquoi. Nous passons le week-end ensemble pour parler. Je ne vais pas l’appeler.
Tu peux.
Non.

12
Chambre 45

On aura un enfant et il aura tes yeux.
Il aura ton nez.
Il aura tes cheveux.
Il aura tes lèvres.
Il aura ton cou.
Il aura tes mains.

Embrasse-moi.
Baise-moi.

13

C’est du gâchis, non ?
C’est ainsi. On ne va pas revenir en arrière.
Non, mais on peut le constater.
Pour souffrir.

14
Chambre 76

Elle se branle en l’attendant. Il est dans la douche.

15

Tu sais très bien que l’on ne peut continuer ainsi. On ne s’aime plus. Tu ne m’aimes plus, je ne t’aime plus. On ne va pas rester ensemble. Pour quoi ? Pour qui ? Pour des enfants que nous n’avons pas ? Pour le chien ? Pour le chat ? Pour les amis ?

16
Chambre 33

Tu dors ?
Tu dors ?

Il glisse un doigt dans son cul endormi.

17

J’ai besoin de temps. Impossible, pour moi, de tourner la page, comme ça. De manière aussi désinvolte.
Je ne suis pas désinvolte.

18
Chambre 3

Tu me fais confiance ?
Oui, bien sûr.
Alors, laisse-moi faire. Laisse-moi te bander les yeux. Et laisse-toi faire.
Mais…
Tu as confiance ? Oui ou non ?
Oui. Je t’aime.

19

Alors, on fait quoi ? On se fout sur la gueule pendant deux jours ? On se balance tout ce que l’on a sur le cœur ? Et ensuite ça ira mieux ? Ce qui m’intéresse, c’est l’avenir. C’est demain. C’est, continuerons-nous à nous voir, ou non ? aujourd’hui est-ce une fin ? Ou un début ?

20
Chambre 15

Il éjacule dans sa bouche.

21

Tu sais très bien que je veux la même chose que toi : je ne veux pas que ce week-end soit une fin. Soit la fin. Mais ce ne sera possible que quand tu auras accepté que c’est fini, entre nous.

22
Chambre 9

Et tes lèvres et ton corps.  Pour toujours.

lundi 2 août 2010

du bout des lèvres


On ne peut suspendre la mort, la surprendre, oui, peut-être, mais du bout des lèvres. Ne rien espérer avec la mort, pas la suspendre, peut-être la surprendre, du bout des lèvres, encore moins la prendre, quant à la pendre, autant ne pas y penser : passons.


Tout est affaire de bout des lèvres : toucher du bout des lèvres – délicatement, très doucement, du bout des lèvres.


Il ne peut être question que du bout des lèvres, que des lèvres bout à bout, mises à bout.


(et tu me diras, encore, du bout des lèvres que tu m’aimes)


Même Schéhérazade, même Far-li-mas, aussi doués soient-ils, ne suspendent pas la mort : ils la repoussent à demain. Ils la repoussent du bout des lèvres, pas des deux mains. La mort est légère et le bout des lèvres est suffisant. La mort est délicate et elle pourrait se froisser, si elle était touchée des deux mains. Pas besoin des deux mains pour repousser la mort à demain : juste le bout des lèvres. Mais repousser n’est pas suspendre, le bout des lèvres n’est pas une corde, et le bout des lèvres ne peut que repousser, qu’éloigner, pas suspendre. Le bout des lèvres c’est la délicatesse et la douceur, des histoires racontées, de baisers donnés.


(et tu me diras, encore, du bout des lèvres que tu m’aimes)


Et tu me diras encore des histoires.


Et chaque baiser est une histoire que nous nous racontons, et chaque baiser repousse la mort du bout des lèvres, à demain.