jeudi 4 mars 2010

la S.A.S.A. (II)

Ce jour-là avait été une dure journée, une journée faste – sept exclusions. C’est-à-dire que dans le mois sept d’entre nous avaient été reconnus et qu’ils n’étaient plus des sosies d’écrivains anonymes, mais d’écrivains reconnus. Ils ne pouvaient rester avec nous.

Trois semaines auparavant ce terrible jour, le 7 juillet, un documentaire sur les écrivains du Nouveau Roman était passé à la télévision, à une heure de grande écoute, et pas sur une chaine culturelle ou du câble, non, sur la plus grande chaine nationale. Claude Simon, Alain Robbe-Grillet, Samuel Beckett, Nathalie Sarraute, Claude Ollier, Robert Pinget et Claude Mauriac n’étaient plus des anonymes, mais leurs visages qui s’étaient étalés une heure durant sur l’écran de la télévision les avaient mis soudain en plein jour. Dans la rue, on les reconnaissait et on leur signalait leur ressemblance avec ces écrivains que l’on avait pu voir la veille à la télévision. Claude Ollier en allant chercher son pain se fit interpeler par une cliente. Nathalie Sarraute par la caissière au supermarché, Samuel Beckett par son tailleur, Alain Robbe-Grillet par le vendeur de fenêtres de la rue dans laquelle il habite pourtant depuis 17 ans.

Claude Simon n’a pas supporté d’être exclu de la S.A.S.A. et d’être maintenant le sosie d’une personne médiatique. Samuel Beckett devait à son tour faire une tentative de suicide une semaine après la mort du Président. Il se rata, heureusement.

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