mercredi 3 mars 2010

la S.A.S.A. (I)


La S.A.S.A., Société Anonyme des Sosies Anonymes, ferma ses portes peu de temps après la mort de son Président : Claude Simon. Le suicide de Claude Simon n’est pas directement responsable de la dissolution de la S.A.S.A., il a simplement accéléré le processus.

Claude Simon s’est suicidé le 7 juillet 2008, à 12h30, d’une balle de pistolet dans la tête. Il ne laissa pas de mot pour expliquer son geste, mais nous en connaissons tous la raison.

Quarante minutes auparavant son geste, nous levions la séance mensuelle et le bilan n’était pas optimiste : nous avions dû procéder ce jour-là à sept exclusions. Cela s’était fait dans la douleur. Et quand nous nous sommes levés pour nous diriger vers la sortie du local qui nous sert de salle de réunion, l’ambiance était morose. Même Raymond Queneau (le jeune), pourtant habitué à nous faire rire avec ses nombreuses blagues et ses incroyables calembours n’avait pas le cœur à détendre l’atmosphère.

Nous étions dehors. Les sept exclus se tenaient ensemble. Il y avait Alain Robbe-Grillet, Claude Simon se tenait à côté de lui, les bras croisés, Claude Mauriac baissait la tête, Robert Pinget a allumé une cigarette, comme si c’était la dernière, Samuel Beckett le regardait, et n’osait lui en demander une, Nathalie Sarraute avait froid et avait les mains dans les poches de son manteau, quant à Claude Ollier, il les regardait.

Puis Claude Simon a dit : « Attendez-moi, j’ai oublié quelque chose dans la salle, je reviens tout de suite. »

Nous, nous n’osions rien dire, rien leur dire. Nous savions que nos mots ne seraient d’aucun réconfort.

Puis, nous avons entendu le coup de feu. Inutile de dire que nous nous sommes tous précipités à l’intérieur. C’est Samuel Beckett qui est arrivé en premier sur les lieux, c’est lui qui a les plus grandes jambes, il faut dire.

Il se tenait, raide, stupéfait, dans l’embrasure de la porte : une odeur de poudre se dégageait de la porte maintenant ouverte. Nous étions derrière lui.

Claude Simon était étendu, raide, mort, la tête éclatée. Samuel Beckett a ouvert la bouche, aucun son n’est sorti. Il s’est tourné vers Nathalie Sarraute et il a vomi. Elle n’a pas apprécié, c’est certain, mais elle n’a osé rien dire – en tout cas, pas tout de suite, car le lendemain elle a copieusement engueulé Samuel Beckett et le jour de l’enterrement, elle a refusé de se mettre à côté de lui, au cas ou il recommencerait à gerber, a-t-elle dit.

2 commentaires:

gwendoline a dit…

ah ! le retour (enfin) de la S.A.S.A !!!

octave a dit…

C'est dur d'être le sosie d'un fantôme.