vendredi 25 décembre 2009

Nous qui avons toujours vécu au château...(IV)



La maison Rochester était la plus belle de toute la ville, elle avait une bibliothèque en noyer, une salle de bal au deuxième étage et une véranda pleine de roses : Mère y était née et la maison aurait dû revenir à Constance. Je décidais, comme je le décidais à chaque fois, de passer devant le bureau de poste et la maison Rochester, même si je n’aimais pas cette maison dans laquelle Mère était née. Ce côté de la rue était désert ce matin et à l’ombre, et puis en sortant de l’épicerie, je serai bien forcée de passer devant le General Store, mais y passer deux fois, à l’aller et au retour, c’était bien au dessus de mes forces.

A la sortie du village, sur Hill Road, River Road ou Old Mountain, des gens comme les Clarke ou les Carrington avaient fait construire de très jolies demeures. Ils devaient cependant passer par le village pour entrer chez eux, car la rue principale est aussi la route qui traverse l’Etat. Les enfants Clarke et les garçons Carrington allaient dans des écoles privées et leur nourriture venait de la ville ou de la capitale, leur courrier était distribué par une voiture des postes. Ceux de la Mountain allaient en ville poster leurs lettres, et ceux de River Road allaient à la capitale se faire couper les cheveux.

Je m’étais toujours étonnée de ce que les villageois, qui habitent de sordides maisons, puissent saluer amicalement et respectueusement les Clarke et les Carrington quand ils étaient au volant de leurs petites voitures. Quand Helen Clarke entrait chez Elbert, l’épicier, pour y chercher de la sauce tomate ou du café que sa cuisinière avait oubliée d’acheter à la ville, tout le monde lui disait bonjour et lui parlait du si beau temps qu’il faisait. La maison des Clarke est certes plus récente que celle des Blackwood, mais elle n’est pas plus belle. Et puis Père fut le premier qui ramena un piano dans ce village. Les Carrington fabriquent du papier dans leur entreprise, mais les Blackwood sont propriétaires de la terre entre la route et la rivière. Les Sheperd de Old Mountain ont donné au village sa mairie, blanche avec une belle pelouse verte, et un canon au fronton. Il y en a même qui ont pensé qu’il fallait raser les bâtisses de Creek Road et y reconstruire des maisons à l’image de la mairie : mais cela ne s’est jamais fait. Les villageois venaient à la mairie pour y retirer leur permis de chasse ou de pêche. Et une fois par an, venaient les Carrington et les Clarke, lors du conseil municipal, pour demander que les Harler cessent de déposer leurs ordures dans la rue principale, et pour demander qu’on enlève les bancs devant le General Store. On leur riait au nez, et leur demande était écartée. Passée la mairie, à gauche, il y a la Blackwood Road qui mène à la maison. Cette route entoure nos terres et Père a délimité de manière précise d’une clôture grillagée les limites de notre propriété. Une grosse pierre noire, pas loin de la mairie d’ailleurs, indique l’entrée. Je referme toujours avec soin la grille et par les bois je rentre à la maison.

Les villageois nous ont toujours détestés.

1 commentaire:

lipiarski a dit…

Mon père occupait de haute fonction mais ma mère n'a jamais pas voulu que l'on demeure dans un quartier en rapport avec le statu de mon père ce qui fait que j'ai passé mon enfance au millieu d'ouvrier avec une éducation qui leur paraissait spaice. J'en ai souffert mais je suis devenu très dure.
Je me demande ce que cela aurait changé ...L'environnement sur ma personnalité..