mercredi 23 décembre 2009

Nous qui avons toujours vécu au château... (II)



C’était un vendredi de la fin du mois d’avril. Je rapportai des livres à la bibliothèque. Le vendredi et le mardi étaient des jours terribles, car je devais aller au village. Il faut bien que quelqu’un s’y rende, au village. Constance n’allait pas plus loin que son jardin et Oncle Julian ne pouvait pas y aller. Ce n’était pas par défi ou par bravade que je m’y rendais deux fois par semaine, mais parce qu’il fallait bien que nous avions besoin de livres et de nourriture. Par contre, c’était sans doute par défi que je pénétrais chez Stella pour y prendre une tasse de café avant de rentrer, quand ce que je désirais le plus, à ce moment là, c’était de rentrer chez nous. Oui, par défi que je poussais la porte de chez Stella, car je savais qu’elle m’avait vue passer, et je ne pouvais supporter l’idée qu’elle pût penser que j’avais peur de rentrer dans son café.

- Bonjour Mary Katherine, lançait toujours Stella tout en essuyant le comptoir de son torchon humide. Comment vas-tu aujourd’hui ?

- Très bien, merci.

- Et Constance Blackwood, comment va-t-elle ?

- Très bien, merci.

- Et lui, comment va-t-il ?

- Aussi bien qu’il est possible d’aller. Un café. Noir. S’il vous plaît.

Si quelqu’un d’autre arrivait et venait s’asseoir au comptoir, je quittais immédiatement les lieux, tranquillement. Je n’avais alors qu’à dire au revoir à Stella qui me lançait irrémédiablement son « Portez-vous bien. »

Je choisissais toujours avec grand soin les livres à la bibliothèque. Bien sûr qu’il y avait des livres à la maison : deux murs du bureau de père en étaient recouverts, mais j’aimais les contes de fées et les livres d’Histoire, et Constance les livres relatifs à la cuisine. Oncle Julian, lui, n’avait jamais ouvert un livre de sa vie, mais il aimait, le soir, que Constance lise à ses côtés pendant que, lui, il classait ses papiers. Parfois il s’arrêtait et la regardait, il hochait la tête.

- Qu’est ce que tu lis, ma chérie ? Oh, quel charmant spectacle que celui d’une femme qui est en train de lire.

- Je suis en train de lire un livre qui s’appelle L’Art de la cuisine, Oncle Julian.

- Admirable.

2 commentaires:

lipiarski a dit…

je ne comprends pas que l'on ne puisse pas acheter de livre.

Simon Melmoth a dit…

il faudrait qu'il soit de nouveau disponible, qu'un éditeur se décide de le republier... par exemple dans une nouvelle traduction...