lundi 21 décembre 2009

Nous qui avons toujours vécu au château...



Je m’appelle Mary Katherine Blackwood. J’ai dix-huit ans et j’habite avec ma sœur Constance. J’ai longtemps pensé que j’étais un loup-garou, à cause de mes deux doigts du milieu qui ont la même longueur, mais je dois me contenter de ce que je suis : une fille qui n’aime pas se laver, qui n’aime pas les chiens et le bruit ; qui aime sa sœur, Richard Plantagenet et l’Amanita phalloides, le champignon mortel. Le reste de ma famille est mort.

La dernière fois, j’ai jeté un coup d’œil sur les étagères de la cuisine, j’ai vu les livres de la bibliothèque – ils ont un retard de six mois – je me suis soudain demandée si je les aurais empruntés, ces livres, en sachant qu’ils seraient les derniers, posés là, sur l’étagère de la cuisine ? On bouge rarement les choses chez les Blackwood : on n'a jamais été très agités ou excités. On pactisait avec les quelques objets qu’il faut bien bouger comme les livres, les fleurs et les cuillers, mais toujours on s’arrangeait pour que tout reste en place. On reposait tout à sa place. Quand on faisait les poussières sous les tables, les chaises ou les lits, quand on enlevait la poussière des tableaux ou des lampes, quand on secouait les tapis, ensuite on remettait tout à sa place d’origine ; par exemple, le nécessaire de toilette en écaille de notre mère n’a jamais été déplacé, ne serait-ce que d’un millimètre. Les Blackwood ont toujours vécu dans cette maison et ont toujours tenu leurs affaires parfaitement en ordre. Si bien qu’à l’emménagement d’une nouvelle épouse d’un Blackwood, une place lui était trouvée sans problème pour ses affaires personnelles, et ainsi notre maison par couches successives s’agrandit-elle et put-elle faire face au monde.

1 commentaire:

lipiarski a dit…

sacré début pour une fin apocalyptique. mais j'en suis qu' a ma première lecture.