mercredi 23 juillet 2008

Roman policier


Où l’on fait la connaissance d’un commissaire de police, banal, plus proche de Maigret que des héros de séries américaines .


Les sots, pour éviter un vice, se jettent dans le défaut contraire.
Horace

Que le commissaire Roman soit un être simple, c’est une évidence. Une carrière sans embûches, et sans génie non plus : une façon très ordinaire de monter les échelons de la hiérarchie, à petits pas, sûrement, mais lentement. Si, ce qui va lui arriver, n’était arrivé un vendredi 13, nous aurions pu l’oublier et nous dispenser même d’en faire mention, mais voilà, il rejoint nos deux personnages précédents à cause, ou bien grâce, à ce hasard de calendrier. 
On peut devenir commissaire de police sans briller : Roman en est la preuve. Mais cela ne veut pas dire non plus que l’on devient commissaire de police par hasard et que c’est suite à une incompétence généralisée d’un système un peu particulier que notre personnage est devenu ce qu’il est, nous n’avons pas dit cela non plus. Ne nous faites pas dire ce que nous n’avons pas dit. Déjà que nous allons avoir des problèmes avec les conseillers d’orientation, ce n’est pas pour nous mettre à dos le corps policier. Roman est l’exemple type du bon fonctionnaire, précis, clair et travailleur, mais sans vague et sans esbroufe, juste une façon de se tenir toujours debout et de regarder avec certitude le lendemain, ni plus ni moins. C’est ce qui a toujours plu à ses supérieurs, ils savent qu’ils peuvent compter sur lui, et ils savent également qu’il ne demandera pas plus que ce qu’il est en droit de recevoir, il est ainsi Roman, un peu effacé, un peu en arrière, à suivre, sans plan de carrière, mais avec cependant au fond de lui une certaine ténacité qui en fait un homme respectable, et il l’est, respecté, par ses hommes d’abord qui le considère comme quelqu’un de juste et d’équitable, par ses supérieurs pour les raisons déjà citées et pour les cas déjà présentés.
Sa biographie est simple et directe, comme une ligne que l’on trace. Cela ne vaut pas la peine de s’étendre dessus. Elle n’est d’aucune utilité pour la suite, il suffit d’imaginer un provincial, d’origine petite bourgeoise, voire commerçante, qui devient fonctionnaire et reste dans la « maison » ; comme on aime à nommer ce lieu, qui fait tout pour ressembler à une famille, avec ses habitudes, ses obligations et ses contraintes, mais aussi son lot d’ennuis et de problèmes. Oui, une famille, et c’est sans doute ce qui fait que Roman s’y sente aussi bien, lui qui n’a pas de famille, lui qui ne vit qu’avec sa femme et son fils – et encore ce dernier a, l’année dernière, quitté le toit familial pour prendre une chambre en ville et être plus près de la faculté où il suit des cours de sociologie. Cursus qui ne manque pas de créer des tensions entre lui et son père ; ce dernier reprochant à cette filière d’être un repaire de gauchistes et de fumeurs de joints, quand son fils ne manque pas de lui rappeler qu’il fait partie du système répressif de la société contre lequel il faut lutter, toujours et encore. De toute façon Roman se moque de la politique et son fils se moque de la sociologie, ce sont des poses qu’ils prennent l’un par rapport à l’autre, des rôles qu’ils jouent, comme au théâtre de Guignol où le policier se fait toujours taper dessus et où le voyou a toujours un grand coeur. Depuis que son fils est parti la distance entre eux s’est creusée. Suite d’incompréhensions et de chicaneries qui font que peu à peu les gens s’éloignent les uns des autres. Au bout d’un moment on se demande si cela vaut la peine de continuer à fréquenter quelqu’un avec qui on ne partage pas grand chose, à part des engueulades. Cette personne fut-elle son père ou son fils. Les visites s’espacent, pour finalement ne plus exister, et puis un jour on remarque que cela fait un an que l’on n’a pas vu son père, son fils. On repousse encore et encore une visite, et on sait que c’est fini. On jouera cependant la comédie à la naissance du premier enfant, un peu moins pour le second. On fera semblant de s’amuser le jour du mariage… Quant à sa femme, il la respecte, l’aime et l’honore, rien à rajouter. Même s’il ne s’est pas interdit d’avoir pendant quelques années une maîtresse, mais ce n’était que passagé, histoire de combler un vide qui pensait-il lui était insupportable, et qu’il ne pouvait supporter. Le vide que procure l’avancée dans l’âge, celui qui assaille celui qui remarque que sa vie n’est pas mieux ni pire qu’une autre et qui se dit que peut être il peut à un moment ou un autre s’offrir une escapade amoureuse, une escapade d’un instant, sans sentiment, uniquement physique, c’était ce qu’il pensait et pense encore ce commissaire sans histoire. Aujourd’hui il n’a plus de maîtresse, même plus envie, ne sait pas si sa femme s’en est doutée un instant ou si elle a fait celle qui ne voit pas, ne veut pas savoir et finalement encourage son mari à aller voir ailleurs, par son silence, ce qu’elle ne veut plus donner. Bien-sûr, il n’en a jamais parlé, pourquoi d’ailleurs, pourquoi dire ce qui est passé et n’a plus lieu d’être aujourd’hui.

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