mardi 29 juillet 2008

Roman policier-IV

Où Roman décide de repasser chez lui, et fait une lapalissade, ce qui le met en rogne.

Toutes sortes de fantômes hantent ces longs corridors solitaires.
Hugo


Le commissaire Roman décida de repasser par chez lui. Cela faisait une heure qu’il ruminait dans son bureau et qu’il agaçait par son comportement ses collègues. De toute façon il savait où elle était cette gamine, et il savait qu’elle n’allait pas aller bien loin.
Sans doute que sa femme serait maintenant chez lui, chez eux, en train de pleurer sur le canapé, la télévision allumée sans la regarder, pour faire des images de fond. Il s’approcherait d’elle, lui mettrait la main sur l’épaule, elle la saisirait. Il dirait quelques mots d’excuse, bafouillerait une explication – tu sais, chérie, les besoins d’une enquête, la plus difficile de ma vie, aller dans cet endroit, quelle horreur… Elle le regarderait d’un air larmoyant, les yeux embués de larmes. Lui, il baisserait les yeux, pour qu’elle comprenne bien combien il est peiné. Il s’approcherait d’elle, se mettrait à ses cotés et l’embrasserait. Ensuite ils iraient au restaurant. 
C’était ce que prévoyait le commissaire en arrivant devant chez lui, petit pavillon de banlieue, anonyme et anodin. Avant de tourner la poignée de la porte d’entrée, il respira profondément, pour se mettre en condition, avoir l’air penaud, dans ses petits souliers, quoi. Faire celui qui revient demander pardon, même s’il ne se sentait pas plus coupable que cela, même s’il considérait qu’il n’avait rien à se reprocher, nombre de ses collègues fréquentaient les sex-shops, et parfois même avec leur femme, lui était tombé sur une de celle que le sexe n’intéresse pas plus que ça. Non, ce n’était pas lui le coupable, elle sans doute, certainement. Depuis vingt ans il acceptait tout de sa part et ils avaient mené la vie qu’elle avait décidé, cela devait cesser, il lui en parlerait au moment du repas, de ses envies, de ses besoins, de ses rêves et de ses fantasmes… La main sur la poignée, il était prêt. Il tourna la poignée, tout allait s’arranger. Il constata que la porte était fermée à clef, tout allait mal finalement.
Si elle n’était pas là, c’était qu’elle était sortie, se dit-il, et après s’être fait cette remarque il donna un grand coup de pied dans la porte. Comment pouvait-on se dire des choses aussi plates. Bien-sûr que si elle n’était pas là c’est qu’elle était sortie. Comment pouvait-on faire des constats aussi ridicules : une lapalissade. Le commissaire avait toujours été fasciné par ce pouvoir du langage – la platitude. Mais il détestait en faire, des lapalissades ; des tautologies, aussi.

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