vendredi 25 juillet 2008

Roman policier-II


Où le commissaire se rend là où il n’aurait jamais dû se rendre et où il rencontre, bien-sûr, celle qu’il ne devait surtout pas rencontrer.

Des symptômes qui appartiennent en fait à la superstition, ou à la religion irréligieuse, je peux dire – comme c’était le cas pour d’autres symptômes – que certains sont ridicules tandis que d’autres sont terribles à raconter.
Burton


Devant l’entrée du magasin, il hésita. Fit un pas en avant, fit un pas en arrière. Il savait pourtant bien qu’il devait entrer, qu’il était venu jusque là pour ça, pour entrer. Il regarda à droite, à gauche, il n’y avait personne. Il était seul dans cette rue étroite aux hautes maisons noircies par le temps et les gaz des pots d’échappements. Il sortit les mains de ses poches, les frotta l’une contre l’autre, soupira, ou plutôt expira, profondément et poussa la porte.
C’était plutôt facile. Il s’arrêta un instant, interdit. Son regard balaya rapidement le magasin de droite à gauche. Il mémorisa les lieux, comme s’il suivait un suspect, comme si sa vie dépendait de la fuite possible qui l’attendait. Son regard s’arrêta sur le caissier, un petit gros à moustache ; typique, pensa-t-il. Leurs regards se croisèrent, alors il dit bonjour, on lui répondit d’un grognement qui sans doute voulait dire bienvenu. Il avança, regarda, toucha, compara. Il était seul, c’était ce qu’il voulait, c’était pour cela qu’il était venu dès le matin. Il fit son choix et fit ce que l’on fait tous dans les magasins : régla, remercia, se retira. Le sac papier sous le bras il se dirigea vers la sortie, tout s’était bien passé. Jusque là.
Il ouvrit la porte avec vigueur, comme un habitué, comme un vainqueur, et poussé par son élan, sa joie, sa force retrouvée, il s’élança sur le pavé de la ville ; son pied n’avait encore touché le sol qu’il sentit un choc sur le coté droit, très fort ; une rencontre brutale. Ne s’y attendant pas, il se laissa partir sur la gauche, pour amortir le choc, mais déjà déséquilibré, il ne put s’empêcher de tomber et de lâcher son sac dont le contenu se répandit largement sur les pavés de la rue. Il se redressa très vite, comme un diable qui sort de la boîte, et tenta de récupérer dans le même mouvement ses achats : sans y parvenir. Il regarda enfin celui qui lui était entré dedans.
Il rougit, transpira, balbutia. 
Sa femme se tenait l’épaule meurtrie.
Elle le regarda d’un air effaré ; des objets répandus à la devanture du magasin son regard allait et venait. Elle regardait les revues pornographiques et autres objets érotiques qui s’étalaient sur le sol, elle regardait les néons du sex-shop clignoter. Une série de mots qui , grammaticalement ne veulent rien dire et ne composent pas même une phrase, mais qui indiquent bien le désarroi d’une personne, sortaient de sa bouche.
Il voulut s’enfuir. Mais pour aller où ? Il se releva, tendit sa main vers sa femme qui reculait. Il fit quelques pas en sa direction, mais ne tenta rien pour la retenir quand elle s’enfuit. Il soupira uniquement quand elle glissa au bout de la rue. Le sol décidément glissait beaucoup. Il avait failli s’étendre lui aussi en arrivant ; il aurait mieux fait de se casser une jambe.
Il ramassa les objets éparpillés, se demanda ce qu’il allait en faire maintenant ; qu’en aurait-il fait de toute façon ? Il les avait achetés car il ne pouvait sortir d’un magasin les mains vides, il avait toujours l’impression de gêner, de ne pas être à sa place qu’il devait compenser la gêne occasionnée par un achat…
Le pas lent, il se dirigea vers sa voiture. La journée s’annonçait mal. Il jeta le sac dans le coffre de la voiture et se rendit au commissariat. Il se dit qu’avoir une maîtresse posait moins de problème, même si une rencontre aussi fortuite est possible, sauf qu’avec sa maîtresse on ne peut pas la jeter au loin, elle ne peut se détacher de votre bras comme le fit le sac en papier, elle peut se répandre, certes, mais cela reste verbal, pas comme ces objets idiots.


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