lundi 13 juin 2011

Jeannot & Margot// Hänsel & Gretel


Je m’appelle Jeannot ou Hänsel.
Je m’appelle Margot ou Gretel.
Nous vivons avec notre père, un pauvre bûcheron.
Nous vivons avec notre mère, femme d’un pauvre bûcheron.
Nous sommes pauvres et avons peu de choses à nous mettre sous la dent, et la disette  s’est abattue sur le pays et nous ne pouvons même pas nous procurer notre pain quotidien.
Nous avons tellement faim que nous ne pouvons pas dormir et entendons notre père pauvre bûcheron parler avec notre mère, femme d’un pauvre bûcheron. Elle dit sais-tu, mon homme, ce qu’il faut faire ? Demain, à la première heure, nous conduirons nos enfants dans la forêt, là où elle est la plus épaisse. Nous leur ferons du feu et nous donnerons à chacun un morceau de pain. Nous retournerons ensuite à notre travail, et les laisserons tout seuls. Ils ne retrouveront pas le chemin de la maison et nous en serons débarrassés. Et notre père, pauvre bûcheron de répondre non, femme, je ne ferai pas cela. Je n’aurai jamais le cœur de laisser mes enfants seuls dans le bois : les bêtes sauvages les auraient bientôt dévorés. Et notre mère, femme d’un pauvre bûcheron de continuer idiot ! en ce cas nous mourrons de faim tous les quatre. tu peux raboter les planches pour les cercueils !
Elle n’arrête pas de le harceler, et notre père, pauvre bûcheron ces pauvres enfants me font pitié tout de même.
c’est fait de nous ! dis-je tais-toi Ne te chagrine pas : je saurai nous tirer de là, dis-je.
Nous attendons que nos vieux soient endormis, je me lève, mets ma petite veste, ouvre le bas de la porte et glisse dehors. Il fait un beau clair de lune et les cailloux blancs devants la porte brillent comme de vrais sous neufs. Je me baisse et en fourre dans les poches de ma petite veste autant qu’il veut en entrer. Puis je rentre Console-toi, et dors en paix : Dieu ne nous abandonnera pas.
Je me recouche dans mon lit. Au point du jour, avant le lever du soleil, notre mère, femme d’un pauvre bûcheron vient nous réveiller. levez-vous, paresseux, nous allons fagoter dans la forêt.
Alors elle donne à chacun un petit morceau de pain et dit : voilà votre déjeuner, mais ne le mangez pas tout de suite, car vous n’aurez rien de plus.
Comme j’ai mes poches pleines de cailloux, je mets le pain dans mon tablier ; après quoi nous prenons tous le chemin de la forêt.
Quand nous avons marché un instant, je m’arrête et jette un regard en arrière sur la maison ; je répète plusieurs fois ce mouvement. qu’est-ce que tu regardes ? me dit notre père, pauvre bûcheron, et pourquoi restes-tu en arrière ? prends garde et ne laisse pas traîner tes jambes. Oh ! père, je réponds. Je regarde mon petit chat blanc qui est posé au haut du toit et qui veut me dire adieu. Nigaud ! réplique notre mère, femme d’un pauvre bûcheron. ce n’est point ton petit chat, c’est le soleil du matin qui brille sur la cheminée.
Je ne regarde pas mon petit chat, mais je laisse tomber un petit caillou blanc de ma poche sur le chemin. Quand nous arrivons au milieu de la forêt, notre père, pauvre bûcheron dit : Mes enfants, ramassez du bois, je vais allumer du feu pour que vous n’ayez pas froid.
Nous en ramassons bien vite un petit tas. Quand les ramilles sont allumées et que la flamme s’élève très-haut, notre mère, femme d’un pauvre bûcheron dit : Mes enfants, couchez-vous près du feu et reposez-vous. Nous allons couper du bois. Quand nous aurons fini, nous viendrons vous reprendre.
Nous nous asseyons près du feu et, lorsqu’il est midi, nous mangeons chacun notre morceau de pain. Comme nous entendons les coups de hache, nous croyons que notre père travaille dans le voisinage. Mais ce n’est pas le bruit de la hache que nous entendons, c’était celui d’une branche que notre père, pauvre bûcheron et notre mère, femme d’une pauvre bûcheron ont attachée à un arbre mort et qui le frappe sous l’effort du vent.
À force de rester assis à la même place, nous fermons les yeux de fatigue et nous nous endormons. Quand nous nous réveillons, il fait nuit noire. Je me mets à pleurer et dit comment allons-nous sortir de la forêt ?
Je trouve des paroles réconfortantes et dit attends un petit moment que la lune soit levée, nous trouverons bien le chemin.
Et quand la pleine lune est levée, je suis les petits cailloux qui brillent comme des pièces d’argent toutes neuves et lui montre la route. Et quand la pleine lune est levée, il suit les petits cailloux qui brillent comme des pièces d’argent toutes neuves et me montre la route.


Nous marchons toute la nuit et, au point du jour, nous arrivons à la maison paternelle. Nous heurtons à la porte. Notre mère, femme d’un pauvre bûcheron ouvre et, en nous voyant, elle s’écrie : mauvais enfants, pourquoi avez-vous dormi si longtemps dans la forêt ? Nous avons cru que vous ne vouliez plus revenir.
Notre père, pauvre bûcheron, lui, est enchanté.
Peu après, nous manquons encore de tout, et, la nuit, nous entendons notre mère, femme d’un pauvre bûcheron qui dit dans le lit à notre père, pauvre bûcheron : voilà qu’encore une fois tout est mangé : nous n’avons plus que la moitié d’un pain et après ce sera fini de rire. Il faut nous débarrasser des enfants. Nous allons les mener plus au fond dans la forêt pour qu’ils ne retrouvent jamais la route. Sans cela nous sommes perdus.
Notre père, pauvre bûcheron a le cœur serré : il pense qu’il vaut mieux partager le dernier morceau avec ses enfants ; mais loin de l’écouter, notre mère, femme d’un pauvre bûcheron l’injurie et l’accable de reproches.
Quand on a dit A, il faut dire B, et, parce qu’il a cédé la première fois, il faut bien qu’il céde la seconde. Nous sommes encore éveillés et avons entendu cette conversation.
Lorsque les vieux sont endormis, je me lève et veux sortir pour ramasser de petits cailloux comme auparavant. Par malheur, notre mère, femme d’un pauvre bûcheron a fermé la porte et je ne peux pas sortir. Je dis des mots rassurants : ne pleure pas, et dors tranquille : le bon Dieu nous aidera.
Le matin, de bonne heure, notre mère, femme d’un pauvre bûcheron arrive et nous fait lever. Nous recevons notre petit morceau de pain, qui est plus petit encore que la première fois. En marchant vers la forêt, j’émiette le pain dans sa poche et souvent je s’arrête pour jeter les miettes à terre. pourquoi t’arrêtes-tu et regardes-tu derrière toi ? dit notre père, pauvre bûcheron ; continue ton chemin. Je regarde mon petit pigeon qui est posé sur le toit et qui veut me dire adieu, dis-je. nigaud ! répond ma mère, femme d’un pauvre bûcheron. ce n’est pas ton petit pigeon, c’est le soleil du matin qui brille sur la cheminée.
je jette toujours mon pain petit à petit sur le chemin. Notre mère, femme d’un pauvre bûcheron, nous mène si avant dans la forêt, que de notre vie nous n’avons pénétré jusque-là. On y allume encore un grand feu, et notre mère, femme d’un pauvre bûcheron dit : mes enfants, restez là assis, et, quand vous serez fatigués, vous pourrez dormir un peu. Nous allons plus loin couper du bois, et, le soir, sitôt que nous aurons fini, nous viendrons vous reprendre.
Lorsqu’il fut midi, je partage mon petit morceau de pain car j’ai semé le mien le long de la route. Nous nous endormons ensuite, le soir arrive et personne ne vient nous chercher. Nous nous réveillons au milieu des ténèbres de la nuit, et je dis des mots apaisants : attends que la lune se lève. Nous pourrons voir alors les miettes de pain que j’ai semées et qui nous indiqueront le chemin de la maison.
Quand la lune brille, nous nous mettons en route, mais nous ne trouvons plus une seule miette. Elles ont été mangées par les milliers d’oiseaux qui voltigeaient dans la forêt et dans les champs. Je dis : nous trouverons bien le chemin. Mais nous ne le trouvons pas.
Nous marchons toute la nuit et la journée suivante, du matin au soir, sans sortir de la forêt. Nous avons grand’faim, car nous ne vivons que de prunelles, et, comme nous sommes si fatigués que nos jambes ne veulent plus nous porter, nous nous couchons sous un arbre et dormons.
Le lendemain matin, il y a trois jours que nous sommes sortis de la maison paternelle. Nous recommençons à marcher, mais nous ne faisons que nous enfoncer de plus en plus dans la forêt. S’il ne nous arrive bientôt du secours, nous ne pouvons manquer de périr.
Quand vient midi, nous voyons un joli petit oiseau, blanc comme neige, perché sur une branche et qui chante si bien que nous nous s’arrêtons pour l’écouter. Son chant fini, il bat des ailes et voltige devant nous. Nous le suivons et bientôt nous le voyons se poser sur le toit d’une petite maison.
Nous nous approchons et reconnaissons que cette maisonnette est faite de pain et couverte en gâteau. Les fenêtres sont de sucre transparent.
nous,allons, dis-je, dîner comme en paradis. Moi, je vais manger un morceau de la toiture, et toi, tu mangeras un morceau de la fenêtre : c’est plus sucré.
Je lève la main et casse un morceau du toit pour le goûter ; je m’approche de la fenêtre et frappe dessus à petits coups. Alors il sort de la chambre une petite voix grêle.
qui frappe, qui frappe, qui frappe ?
qui frappe à ma petite maison ?
Nous répondons :
le vent, le vent,
l’enfant de Dieu !
Nous continuons à manger comme si de rien n’était. Je trouve le toit à mon goût, en arrache un grand morceau, et je casse tout un carreau de vitre. Nous nous asseyons et nous nous régalons.
Soudain la porte s’ouvre et il apparaît une fort vieille femme qui s’appuie sur une béquille. Nous sommes saisis d’un tel effroi, que nous laissons choir ce que nous tenons à la main. La vieille branle la tête et dit : ah ! mes chers enfants, qui vous a amenés ici ? Entrez et restez avec nous : il ne vous arrivera aucun mal.
Elle nous prend tous les deux par la main et nous introduit dans sa petite maison. On nous sert un bon repas, qui se compose de lait, de crêpes sucrées, de pommes et de noisettes ; puis on nous apprête deux jolis petits lits couverts de draps blancs. Nous nous couchons, croyant être dans le ciel.
(La vieille qui nous traite si bien est une méchante sorcière. C’est dans le but d’attirer les enfants qu’elle a fait construire en pain cette maisonnette. Lorsqu’un enfant tombe en son pouvoir, elle le tue, le fait bouillir, le mange, et c’est pour elle un grand régal. Les sorcières ont les yeux rouges et la vue courte, mais elles ont le nez fin comme les animaux et sentent l’approche des hommes.)
Le matin, de bonne heure, avant notre réveil, elle se lève ; tandis que nous reposons si gentiment, avec nos joues pleines et roses, la sorcière aux yeux rouges se dit tout bas : cela va me faire un repas succulent. 
De sa main sèche elle me saisit, me porte dans une petite écurie et m’y enferme. J’ai  beau crier, rien n’y fait. Elle s’approche ensuite de moi et me secoue pour me réveiller.
lève-toi ; va chercher de l’eau et fais une bonne soupe. L’autre, je l’ai mis à l’écurie pour l’engraisser. Quand il sera à point, je le mangerai.
Je pleure amèrement, mais c’est en vain il faut obéir à la sorcière. On me sert les meilleurs repas pour m’engraisser et à moi on ne donne que des têtes d’écrevisse. Tous les matins, la vieille va à la petite écurie et crie : montre tes doigts que je juge si tu es bientôt assez gras.
Je lui montre un petit os ; la vieille, à cause de sa mauvaise vue, ne s’aperçoit pas du tour et prend l’os pour mon doigt. Elle s’étonne qu’il n’engraisse point davantage.
Au bout de quatre semaines, comme je reste toujours maigre, elle perd patience et ne veut pas attendre plus longtemps. hé ! crie-t’elle, dépêche-toi d’apporter de l’eau. qu’il soit gras ou maigre, je veux demain l’égorger et le faire cuire.
Je pleure mais vais querir de l’eau. Les larmes coulent le long de mes joues, et je m’écrie :
mon Dieu, venez à mon aide. si les bêtes féroces nous avaient mangés dans la forêt, du moins nous serions morts ensemble.
cesse de gémir, dit la vieille : cela ne t’avance à rien.
Le matin, de bonne heure, il faut que je remplisse d’eau la marmite et la mette sur le feu.
avant tout, nous allons faire cuire le pain, dit la vieille. j’ai chauffé le four et préparé la pâte.
Et elle me pousse dehors vers le four d’où sortent des flammes.
grimpe dedans, dit-elle, et vois si le four est bien chaud, pour que nous puissions y mettre le pain.
Une fois que je suis dedans, la sorcière veut fermer le four, afin que j’y cuise et qu’elle puisse me manger. Mais je me doute de son dessein.
je ne sais, dis-je, comment faire pour y entrer.
imbécile ! répond la vieille. tu vois bien que l’ouverture est assez grande : je pourrais y entrer moi-même.
Et elle tourne autour du four et y avance sa tête. Je lui donne une si forte poussée que je l’y enfonce tout au fond. Je ferme aussitôt la porte de fer et y mets le verrou. La vieille hurle effroyablement, mais je m’enfuis et la sorcière est brûlée vive.
Je cours droit à l’écurie, en ouvre la porte et crie : nous sommes délivrés ! la vieille sorcière est morte.
Je saute dehors aussi vite qu’un oiseau, quand on ouvre la porte de sa cage.
C’est une grande joie : nous nous jetons au cou l’un de l’autre et nous nous embrassons tendrement. Comme nous n’avons plus peur, nous parcourons la maison de la sorcière. Nous trouvons dans tous les coins des caisses remplies de perles et de pierreries. Cela vaut mieux que les petits cailloux, dis-je, et j’en bourre mes poches. moi aussi, dis-je, je veux rapporter quelque chose à la maison. et maintenant, dis-je, nous allons voir à sortir de cette forêt de sorcières.
Nous marchons durant quelques heures, nous arrivons à un grand lac. nous ne pourrons le traverser, dis-je : je ne vois ni pont ni passerelle. il n’y a pas de barque, repris-je ; mais tout là-bas nage un canard blanc. Si je le priais de nous passer ?…
Alors je crie : canard, canard ; pas de pont, pas de passerelle ; prends-nous sur ton dos blanc.
Le canard s’approche : je m’assois dessus et dis viens avec moi. Non, je réponds, ce sera trop lourd pour le canard. il nous prendra l’un après l’autre.
Le petit animal le fait. Lorsque nous arrivons de l’autre côté, il nous semble que nous reconnaissons l’endroit, et tout à coup nous  voyons au loin la maison paternelle. Nous nous mettons alors à courir ; nous nous précipitons dans la chambre et sautons au cou de notre père.
Cet homme n’a pas eu une heure de repos depuis qu’il a abandonné ses enfants dans la forêt ; sa femme d’ailleurs est morte.
Je vide mon tablier : les perles et les pierres précieuses roulèrent par la chambre, et j’en  jette de ma poche à pleines poignées.
Dès lors, on n’a plus de soucis et on vit en grande joie tous ensemble.

Je m’appelle Jeannot ou Hänsel.
Je m’appelle Margot ou Gretel.


1 commentaire:

gwendoline a dit…

Les recettes des sorcières n'ouvrent pas l'appétit :
qui d'autre qu'elles a envie
de viande bouillie ???

La sorcellerie,
très peu, merci !