dimanche 28 février 2010

stupidity

 

Avital Ronell

Stupidity

nouvelle sarah
"La bêtise détermine l’état d’esprit qui afflige quiconque prétend écrire. Dans la mesure où l’écriture semble être réquisitionnée par quelque activité intérieure qui s’avère toujours trop immature, plutôt forte en gueule, et souvent encombrée d’un désordre narcissique prononcé, quelle que soit d’ailleurs votre envie de vous cacher ou de vous isoler ; dans la mesure encore, où le créateur en vous est en réalité trop intelligent pour les stupides postulats de la langue, trop mûr même pour les ruses du surmoi, et bien trop calme pour tenter de mettre en mots le Dire ; dans la mesure, enfin, où l’écriture vous fait sans cesse vivre le drame de l’objet perdu, mais jamais assez perdu, vous sommant une fois de plus de vous engager dans d’inutiles poursuites et de considérables régressions (…) l’écriture vous livre l’expérience de votre propre bêtise."

"Toutes les fois qu’il préparait un livre en vue de sa publication, Paul de Man était assailli par le sentiment coupable de regarder un film de série B. La mélancolie qu’il y a à contempler de nouveau son propre échec à surmonter dans l’écriture, un niveau élémentaire de la bêtise (la votre ou la leur) a été ressentie et exprimée par de nombreux écrivains ; parfois ce sentiment éthique, apparût-il à l’occasion de la publication d’un travail universitaire, se trouve relégué et miniaturisé à la page des remerciements, là où les personnes remerciées se voient exonérées de la responsabilité de la bêtise de l’œuvre à venir qu’annonce cette politique testamentaire de l’amitié."

"Ecrire, c’est passer chaque jour un nouvel examen, c’est préparer votre corps, adapter votre conduite, vous faire enregistrer (par respect) auprès du surmoi, mettre le moi sous sédatif – à moins que vous ne soyez l’un de ces crétins qui-se-connaissent-soi-même-et-veulent-partager-leur-singularité-en-écrivant-leurs-mémoires."

"La bêtise, quoique bienvenue au départ (lire Hegel, se droguer, vivre avec d’autres personnes), survient comme un traumatisme qui vous fait répéter sans fin ses protocoles."



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