dimanche 14 février 2010

lecture

 



"(...) c'est d'abord cela que veut dire le mot totalitaire : ne pas supporter l'inachèvement, ne pas supporter l'ouverture de la communauté à ce qu'elle ne peut pas réaliser. Ou si vous préférez, c'est aussi bien toute la question du mot de passe : "si tu connais le mot de passe, tu entres, si tu ne le connais pas, tu n'entres pas."C'est ce fonctionnement-là qui est véritablement l'ennemi, et qui doit être aboli. Le mot de passe c'est une sur-substantification du nom qui tire le langage hors de lui. C'est pour cela que la littérature est au fond le seul bon modèle politique dont on dispose : parce qu'elle récuse dès le départ le mot de passe, parce qu'elle n'a de sens qu'à ouvrir le langage.

La littérature, et pas l'art ?

Si, l'art aussi, évidemment. Mais pas n'importe quel art (et pas n'importe quelle littérature non plus). Prenez la dernière polémique au sujet de l'exposition de Jeff Kons à Versailles, mais c'était misérable. Nous faire croire qu'en face d'une droite catholique coincée existerait une avant-garde ouverte et dérangeante que cet homme-là représenterait, mais c'est une farce. Qui se continue avec l'artiste suivant : nous faire croire que la refonte d'un carrosse relooké origami dans la cour de Versailles puisse avoir un quelconque rapport avec l'avant-garde ou, plus simplement, avec la pensée, la pensée de l'art, c'est de la manipulation pure et simple. On n'a affaire ici qu'à deux petits camps réactionnaires qui fonctionnent l'un comme l'autre au mot de passe : d'un côté l'éternelle crétinerie de la bourgeoisie de province, si vous voulez, mais de l'autre des artistes et des ministres qui sont les pires larbins du capitalisme, ou d'un nouvel art de cour."

extrait de l'entretien de Jean-Christophe Bailly dans le numéro 50 de la revue Vacarme.

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