jeudi 13 mars 2008

Thésée (I)


Et Ariane ne sachant que faire du fil tressé avec amour se pend avec. Thésée a préféré entrer dans le Labyrinthe sans la bobine préparée avec soin, par Ariane. Devant le Labyrinthe : Il sait qu’il y a un monstre à l’intérieur, il est là pour ça, il est venu jusque-là pour le tuer. Il sait aussi que ce n’est pas facile d'y trouver son chemin et encore moins d'en sortir du Labyrinthe. Ainsi le Labyrinthe serait un labyrinthe. Mais, lui, Thésée, il est plus fort que tout et tous. Il est un héros. Il sait qu’il doit accomplir l’acte libérateur et renvoyer le monstre là où il n’aurait dû sortir. Les dieux s’amusent, les hommes nettoient. C’est son jour de gloire, pas question de le partager. Il ne veut pas se faire aider par une espèce de folle. Qui est cette fille ? il ne la connaît ni d’Ouranos ni de Gaïa, et elle veut l’aider, lui dit qu’il doit prendre cette pelote de fil, la dévider dans le Labyrinthe, puis la rembobiner pour retrouver son chemin. L’idée est plutôt bonne. Mais il aura l’air de quoi si tout le monde sait qu’il s’est fait aider par une fille. Qu’il s’en est sorti et qu’il est sorti grâce à une fille ? L’honneur avant tout. Et puis, elle est même pas jolie cette fille, les yeux ronds, un air ahuri, sans poitrine. D’un geste de la main, il la repousse. Ne dédaigne même pas lui faire un sourire ; et entre la tête haute, la première pour affronter son destin, seul.
Et Ariane comprend qu’elle est inutile, qu’elle ne sert à rien. Elle aura toujours été la fille un peu moche dont on se moque, que l'on n'invite pas à danser. Elle qui croyait jouer un rôle dans toute cette histoire, elle qui se voyait en haut de l’affiche, entrer dans la légende, à côté du héros victorieux. Elle ne sera jamais rien et ne porte en elle-même aucun rêve. Elle est une figurante, une silhouette que l’on oublie, que l’on repousse et qui disparaît. Elle ne scintille même pas sur la scène préparée. Elle est une stupide groupie qui a approché le héros. Elle est une de ces filles qui hurle le nom de l’acteur qui entre dans l’amphithéâtre. Elle est une de ces filles qui dort avec un bas-relief représentant l’acteur au dessus de son lit pour la nuit venue le faire entrer dans ses rêves les plus fous. Voilà ce qu’elle est, ce qu’elle restera : une fille un peu moche, qui vit sa vie par procuration, qui rêve la nuit d’arracher la tunique de son idole et qui le matin se réveille seule, désespérément seule dans un lit même pas trop grand, mais trop froid. Elle avait espéré, et les dieux lui avaient laissé entendre, que tout allait changer. Mais non, rien ne change, ne changera jamais.
Et Ariane se pend quand toute la ville a le souffle arrêté et suit en direct l’exploit incroyable du bel étranger. Il va s’en sortir, c’est sûr. On peindra son combat sur un vase. Et ça, elle ne veut pas, oh non, elle ne veut pas, en plus du bas-relief à la tête du lit, avoir un vase au pied du lit. Etre l’éternelle midinette, elle ne veut pas, elle ne veut plus. Elle sera une mort anonyme, non commentée. Qui va s’intéresser à sa mort ? A la mort d’une moche qui se pend quand tout le monde est en liesse. C’est l’histoire d’une laide pleine de banalité et de platitude et qui ressemble à tellement d’autres. Pourquoi, oui, pourquoi continuer à occuper une place sur cette Terre quand on n'a plus rien à y faire si ce n’est y jouer la parasite. 
Et la corde serre le cou d’Ariane ; et Thésée sort victorieux du Labyrinthe ; grand sourire, dents blanches, bras au ciel, les doigts en V signe de victoire. La foule l’acclame, hurle, cri son nom. Thésée vient de réaliser un exploit incroyable, presque insolent. On crie le nom de Thésée, partout dans la ville, ce n’est qu’un immense cri de joie, de folie « Thésée roi ! », « Thésée roi ! », « Thésée roi ! », « Thésée roi ! ».
Et les deux amies qui desserrent la corde du cou d’Ariane voient par la fenêtre passer le héros. Dans les yeux des amies il y a des larmes, mais il y a aussi des étoiles – pour le héros si grand, si beau, l’amant parfait, le gendre idéal. Oui, elles y pensent, en posant, déposant le corps de leur amie sur le sol, elles y pensent au corps du héros qui passe là sous la fenêtre. Une étrange sensation les envahit toutes deux. S’il n’y avait ce cadavre, là sur le sol, elles se jetteraient l’une sur l’autre. Mais il faut qu’Ariane, la sage, la prude, la moche, les empêche de faire ce qu’elles ont vraiment envie de faire. Elles pensent à tous les autres jour où elle aurait pu se suicider, où elle a eu l’occasion de le faire. Elle a décidé de le faire aujourd’hui, comme s’il n’était pas suffisant de se suicider, il fallait aussi gâcher la journée des autres, la leur.
Et soudain lui prend l’envie de glisser sa langue dans l’oreille de son amie – de son amie vivante, pas de son amie, la morte – pas cette emmerdeuse d’Ariane, non l’autre, la vivante, qui comme elle, a envie de glisser sa langue dans l’oreille de son amie, pas celle de la morte, mais bien de la vivante, qui est en face d’elle, à la poitrine généreuse. Elle voudrait lui demander de se mettre sur le dos, de se caresser, là, devant elles, elle la vivante et elle la morte, que ses doigts aillent au rythme des cris de la rue, des cris qui scandent le nom du héros. Elle a envie de la vivante, pas de la moche ; et de rage, de dépit, elle donne un coup de pied à Ariane, comme si ce coup de pied pouvait calmer son désir montant.
Et Thésée superbe, insolent de beauté et de courage parade dans les rues de la ville. Des balcons, voilés de vapeurs roses, on jette des fleurs, de l’eau parfumée qui vient éclabousser le corps chaud du héros.
Et Thésée va raconter son histoire. Plusieurs fois. A tous ceux et toutes celles qui lui demandent. A tous ceux qui veulent bien l’entendre. Il raconte en long, en large et en travers toute l’histoire. Revient encore et encore sur les détails ; ainsi naissent les légendes. Il enjolive, mais comment lui en vouloir, comment blâmer celui qui a renvoyé dans les Enfers ce qui n’aurait jamais dû en sortir. Cet être mi-homme, mi-taureau, terrorisait la cité et ses environs, mais aujourd’hui il est mort, là-bas dans le Labyrinthe.
Et Thésée continue encore et encore de raconter son exploit. Comment il s’est retrouvé face à face au monstre, comment il n’a pas eu peur quand le Minotaure est apparu, comment et combien le combat fut âpre et violent et comment d’un coup d’épée il a fendu le crâne du monstre hideux qui se terrait là-bas au sein du Labyrinthe, comment les dieux ont applaudi ce qu’il a fait.
Et Thésée va tirer profit de son exploit, passer du temps avec quelques jeunes filles. Elles viennent à lui, offrir ce qu’elles ont, leur corps, parfait. Et Thésée fût-il un héros, n’en est pas moins un homme. Et quand elles laissent glisser leur tunique, le long de leur corps souple et musclé, à la poitrine généreuse, Thésée ne peut se retenir. De toute façon, c’est ce qu’elles veulent, se dit-il. On lui a demandé de tuer le Minotaure, il l’a fait. On lui demande de faire l’amour, il le fait. Les héros sont là pour obéir aux ordres.
Et les corps, pendant plusieurs jours, anonymes, vont s’offrir à lui. Il ne retient pas les noms. Il ne sait plus combien de corps il a pénétré depuis le début. Il est fatigué, et pourtant il continue ses assauts, continue à honorer ces jeunes filles lascives, en négligés de coton, qui s’offrent à lui toute entière. Il pense qu’il pourrait rester ici toute sa vie, à forniquer et baiser autant qu’il le veut. Mais on lui rappelle qu’il doit rentrer chez lui, que son père l’attend.
Et avant de partir, une dernière fille. Elle lui demande de recommencer. Maintenant pour elle, la première fois c'était pour son amie, morte. Suicidée le jour où, lui, Thésée est sorti vainqueur du Labyrinthe. Il accepte, bien entendu, et pour la deuxième fois, sur le corps blanc de la jeune fille il éjacule. Elle aura été la première et la dernière à profiter du héros, de son sexe, de ses assauts, de ses coups de reins, de ses coups pour rien, si ce n'est une semence bulleuse, blanchâtre et odorante sur un corps pâle et blanchâtre.
Et Thésée s’en va. Regarde une dernière fois ce peuple libéré, et lui ne pense qu’à une chose : le corps des filles. Il est bien triste de partir, car il sait qu’il reste tellement de jeunes filles qui voulaient s’offrir à lui.

1 commentaire:

Anonymous a dit…

Ah,ah,ah c'est trés drole!!!
Je te le confirme,tu n'as plus de raison de t'étonner quand on te propose de big petardos!!!
bises
sandrine