dimanche 16 mars 2008

Chapitre 6


Simon et la théorie de la lie-monade.


Tu prendras bien un peu de thé au riz ?
Queneau



Simon savait que la vie est faite de fragments qui ne se joignent pas, n’est-ce pas mademoiselle Jones, pensait-il. Mais ils sont ensemble, ces fragments, ils sont à l’œil un ensemble qui permet d’avancer dans la pénombre du sens. Il savait qu’une enquête était la mise en forme de ces fragments, de ces bouts épars qui n’ont rien à faire ensemble et que le détective tentait tant bien que mal de joindre les bouts, les bouts de ficelle d’un monde qui s’en allait à vau-l’eau. Oui, il savait tout cela et plus encore. Il savait que pour mener une enquête il fallait que quelque chose se soit passé – un meurtre, un crime, un vol. Ensuite le détective intervenait dans le présent pour saisir ce qui s’était passé dans le passé. Qu’est-ce qui s’est passé dans le passé, telle est la question que l’on se pose quand on est un détective et que l’on veut résoudre l’énigme. Mais là, que s’était-il passé ? Une disparition ? mais qu’en savait-il ? Rien. Personne ne s’agitait autour de ce vide. Personne ne semblait atteint par ce manque. Quand il y a crime il y a manque – de la personne étendue sur le carrelage de la cuisine. Quand il y a vol, il y a manque – de l’objet à tous dérobé. Mais là qui était touché par le manque ? Personne. Celui qui l’avait engagé, sans doute pas, sinon il aurait fait appel à quelqu’un de plus expérimenté pour résoudre ce problème. En fait et de cela Simon, maintenant, était sûr, c’était dans la demande que résidait le mystère… La demande manquait de quelque chose – et dans ce vide, là, créé devant lui, il devait tenter d’organiser un chaos très étrange.
Dans un manuel du parfait détective, il avait lu que l’enquêteur est celui qui lie ce qui est délié. Cette devise, il l’avait fait sienne et avait même pensé, à un moment, l’inscrire sur sa carte de visite : Simon – Détective privé – lie le délit. 
Le monde est rempli de toutes petites choses et il faut qu’elles se lient entre elles, même si les joints sont peu fiables, il faut que tout cela se lie, en lie-monade. Mais est-ce avec de belles formules que l’on résout les énigmes ? sans doute pas, en tout cas pas celle ci, à moins que tout le mystère - s’il y en a un, tienne dans une formule, dans une phrase simple. 

1 commentaire:

madame gâ a dit…

meme si ca ne suffit pas, c'est deja beaucoup, d'etre celui "qui lie le delit"..fameux!!