samedi 23 août 2008

fait divers

S’est fait sauter la boîte crânienne, fusil à deux coups. Un seul à suffit, en fait. Ce qui était avant sur les épaules se retrouve répandu au plafond. Belle tâche. On dirait une œuvre d’art – postmoderne, bien sûr. Dommage que je n’ai pas mon appareil photo pense-t-il.
C’est pas malin de se faire sauter le caisson avec ce genre de canon, dit-il.
C’est efficace, pourtant, dit-il.
Oui, aujourd’hui ça a marché pour ce pauvre bougre. Mais j’ai déjà vu un type qui avait mal placé le canon et qui au lieu de se faire sauter la cervelle, s’est arraché la face. Hop, plus de visage, arraché comme on arrache la peau d’un lapin. Un coup sec. Crac. La face à vif. Le nez détaché. Quelques dents arrachées. Mais toujours vivant la pauvre gars. Quand on est arrivé, il était assis sur sa chaise, le fusil aux pieds, à nous attendre, bien sagement, comme un enfant qui a fait une bêtise et qui sait que ça ne sert plus à rien de mentir ou de vouloir s’enfuir. Sur sa chaise, le type. Ses yeux, sans orbites, nous ont regardé ramasser l’arme. Il nous suivait du regard, comme ses poupées qui ont des yeux qui bougent. On l’a appelé le cas Chucky. Comme la poupée du film…
Eh ben, dit-il. Mais que dire d’autre ?
Et cet autre qui se met le pistolet sur la tempe, bien décidé d’en finir avec toutes les cruautés du monde ou en finir d’avec sa femme qui le trompe avec le boucher, et qui au dernier moment se ravise, a peur, ne veut pas mourir. Le canon dévie, Hop, le haut du crâne arraché, comme scalpé, belle tignasse ébouriffée et rouge. Le dernier des Mohicans, ce fut son nom.
Et toujours vivant ? demande-t-il ?
Oui, toujours vivant. Une partie de la cervelle qui pendouillait sur le côté gauche, un peu ridicule.
Eh ben, dit-il. Mais que dire d’autre ?
Et cet autre…
Non, c’est bon. Interrompt-il. 
Il allume une cigarette
C’est con de se tuer comme ça, parce que maintenant le cercueil, ben il va être trop grand, dit-elle.
Il avait déjà son cercueil ? demande-t-il.
Oui, il se l’était fait sur mesure. Il ne pouvait pas imaginer passer l’éternité dans un endroit qu’il n’avait pas fait lui-même. La maison aussi c’était lui qui l’avait faite, explique-t-elle.
Eh ben, dit-il. Mais que dire d’autre ?

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