lundi 25 juillet 2011

introduction


On raconte qu’il a été chef de rayon chez Bloomingdale. Mais c’était une rumeur. On raconte qu’il est en train d’écrire sous le nom de plume de Thomas Pynchon. Mais c’est aussi une rumeur. On raconte qu’il a payé Harcourt Brace pour publier Les Reconnaissances, puis déçu et mis en rogne par l’accueil fait au livre, il a détruit tout le stock. On raconte aussi qu’il est mort à quarante trois ans de dysenterie ou d’une autre de ces maladies honteuses qu’attrapent les touristes et qu’il a été enterré, sans sépulture, au pied d’un arbre noueux. On raconte même, mais c’est sans doute la rumeur la plus absurde, qu’il a été assistant mécanicien lors de la construction du Canal de Panama. On raconte encore qu’il a été mercenaire lors d’un conflit au Costa Rica. On raconte qu’il n’a pas de moyens de subsister. Et qu’il ne fait que se balader. Il est comme ces personnages de romans qui ont pour titre un nom de vagabond. Mais tout cela est faux. Il a travaillé pour l’armée et a écrit les textes des manuels de campagnes. En fait non. Il a écrit des scénarios de films, de ceux qui vous montrent/expliquent comment démonter et nettoyer une arme. De mauvaises langues prétendent même qu’il a été correcteur au New Yorker. Pas du tout, disent d’autres, il a été pigiste et il est devenu le nègre d’une entreprise et il en a profité pour recueillir des informations en vue d’écrire un livre sur l’Amérique et sur l’argent. Quand John Kuehl et Steven Moore ont publié un recueil d’essais à son sujet, l’écrivain respecté, devenu artiste, s’est dessiné lui-même, comme il se doit, avec un grand verre de whisky. Il n’y avait pas de visage.

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