lundi 13 septembre 2010

la main gauche sur le front...

     Il y a une photographie d’écrivain qui m’a toujours fasciné ; en fait il y en a deux, mais je reviendrai peut être plus tard sur la seconde. Celle qui m’intéresse maintenant est une photographie d’Onetti, de Juan Carlos Onetti, écrivain uruguayen injustement ignoré, mais dont les lecteurs forment une société secrète, pour reprendre la formule de Maurice Nadeau à propos de Malcolm Lowry et d’Au dessous du volcan. A moins, que ces lecteurs ne forment une communauté imaginée.
     Sur cette photo, on y voit l’auteur, l’air un peu perdu, légèrement mélancolique, avec la main gauche posée sur le front de sa femme. Elle a un regard perdu, absent, et ne semble pas être là : comme si Onetti touchait un fantôme, essayait d’étreindre un fantôme.
     Cette image condense toute la littérature d’Onetti, celle dont il disait qu’elle est une « littérature de bonté, et celui qui ne le voit pas est un âne ». Cette image, toute en douceur, même si inquiétante, dans la posture du bras même, est à l’image des écrits de Onetti, un mélange subtil de mélancolie et de douceur.
     Elle est à l’image de l’auteur qui ne bougeait plus de son lit, fumant clope sur clope, et buvant whisky sur whisky, rêvant à des lolitas si souvent chassées dans ses romans. Les papillons, les jeunes filles, sans doute est-ce un peu la même chose.
     Elle est à l’image de ce que devrait être la littérature, une littérature à la recherche de la bonté, et non du mal. Dans son pessimisme profond, Onetti savait aussi que la beauté est là, dans le toucher doux et délicat, reposant, du front d’une femme aimée.

1 commentaire:

gwendoline a dit…

"Les papillons, les jeunes filles, sans doute est-ce un peu la même chose."

ah oui. Un peu comme les condors et les vautours, alors.