mercredi 15 octobre 2008

Bastard Battle



Pour des raisons professionnelles je lis et relis quelques romans du Moyen-Âge : Yvain et son lion, Perceval et son graal, Lancelot et sa charette sont mes invités du moment. J'étais en train de me dire que je ferais bien une fantaisie avec ces convives. A la manière de Thésée, ou du roman gothique.
Mais voilà, parfois, les bonnes idées sont rattrapées. Et c'est Céline Minard qui vient de me couper l'herbe sous le pied, avec son Bastard Battle. Je viens d'en terminer la lecture et j'ai bien peur de ne pas faire mieux, ou qu'en tout cas, la comparaison ne joue pas en ma faveur. Je ne dis pas que j'abandonne l'idée, mais je la repousse un peu ; je dois la repenser surtout.
Cela ne me dérange pas, car le roman de Céline Minard est tout simplement excellent.

Voilà un roman qui se passe au Moyen-Âge, qui joue avec les codes de cette littérature, qui parasite et contamine les images que l'on peut en avoir pour nous donner à lire un court texte, 100 pages environ, si tonique, si excitant, qu'il donne mille fois plus envie de se plonger dans la littérature du temps passé que dans celle de la rentrée littéraire.

Nous suivons un personnage, "Denysot-le-clerc dit le Hachis, aussi Spencer Five", témoin et acteur de la lutte entre le Bastard de Bourbon et une étrange chevalière ; lutte pour la conquête et le maintien de la ville de Chaumont.

Bastard Battle est un joyeux fourre-tout, rempli de bruits et de fureur, mené à un rythme incroyable - mais comment fait-elle pour écrire de si bonnes scènes d'actions - et tout cela soutenu par une utilisation de la langue, mélange d'ancien-français et de français moderne, on ne peut plus original. On ne passe pas seulement un bon moment de lecture, on passe aussi et avant tout un vrai moment de littérature en lisant ce livre. On prend conscience de la langue qui passe, qui est passée, et certainement de celle qui sera demain. On répète sans cesse la phrase de Proust, " les beaux livres sont écrits dans une espèce de langue étrangère", certes. Mais Céline Minard écrit dans une langue étrangère qui est celle du passé.

Vous rajoutez là-dessus une bonne dose d'humour, de fantaisie, de références à Kill Bill, aux Sept Samouraïs, à Tigre et Dragon et aux jeux de rôle, et vous comprendrez pourquoi ce roman est si bon.