dimanche 13 avril 2008

Chapitre 2

Où Simon – détective - reçoit une bien belle secrétaire qui lui confie une bien étrange mission.

La superstition est l'art de se mettre en règle avec les coïncidences.
Cocteau


Simon était enfoncé dans son fauteuil et regardait par la fenêtre quand elle est entrée. Il se disait que les vitres devaient être nettoyées quand elle s’est raclée la gorge pour indiquer sa présence. Il ne savait pas que tout allait basculer quand il s’est retourné et qu’ils se sont salués.
C’était une visite sans rendez-vous, elle précisa que c’était mieux ainsi, qu’il ne fallait pas que l’on sache qu’elle était passée. Elle – ou plutôt son patron – avait besoin d’un détective privé efficace, rapide et discret. Ce qu’il était. Elle expliqua rapidement de quoi il en retournait : il s’agissait de retrouver dans les plus brefs délais la fille de son patron, elle avait disparu la veille, la police ne devait surtout pas être au courant et personne d’ailleurs ne devait savoir pour qui il travaillait ni ce qu’il cherchait. Elle ne donna pas le nom de son patron, elle savait être obéissante et respectait scrupuleusement les ordres reçus. Elle tendit une photographie de la jeune fille, récente assura-t-elle. Simon la trouvait jolie - pas la gamine, assez banale – mais la secrétaire : élégante et parfumée ; l’image fantasmée de la secrétaire. Il ne put s’empêcher de penser qu’elle devait coucher avec son patron et cette idée le désola. Le fantasme ne crée pas d’image originale, seulement des situations hors du commun, pensa-t-il.Ce n’est pas de coucher avec sa secrétaire qui relève du fantasme, mais la façon de coucher avec elle, savait-il. Combien de filatures pour constater que le ou la partenaire n’a rien d’original, seul le lieu de la rencontre et la façon de le faire peut l’être. Combien d’hommes trompent leur femme avec une autre moins belle, moins intelligente. Combien de femmes se retrouvent dans les bras d’hommes qui ne sont même pas leur genre. Il avait surpris des amants dans des lieux si étranges et dans des positions si extravagantes qu’on le croyait rarement quand il faisait son rapport ; les photographies qu’il présentait ne permettaient pas toujours à son client de réellement accepter la situation, il pensait que c’était une mise en scène pour continuer à le torturer, alors que ce n’était que le nœud du fantasme qui se révélait soudain à lui – il avait devant les yeux un fantasme, et en gros plan, encore.
Simon accepta l’affaire. Elle en fut heureuse, sans doute ne voulait-elle pas courir toutes les agences de la région, à moins que je lui plaise vraiment, pensa-t-il. 
Elle lui tendit une enveloppe, ce n’était qu’une partie de la somme, elle lui remit également un dossier préparé avec soin sur la fille du patron. Il ne manquait que le nom ; toujours par souci de discrétion précisa la jolie secrétaire. Simon remarqua que le dossier avait déjà servi ; ce ne devait pas être la première fugue de la gamine. Mais il se demanda à quoi pouvait servir un tel dossier sans la pièce importante qu’est le nom. Sans nom, pas d’enquête, sans nom, pas de recherche possible, autant chercher une aiguille dans une botte de … non, ne pas sombrer dans cette facilité et relever le défi.
A partir du moment où Simon accepta l’affaire, il se demanda s’il ne faisait pas une erreur. Si ce n’était pas un cadeau empoisonné. Cette idée continua à le travailler après le départ, d’un pas élégant souple et assuré de la secrétaire. Elle lui avait donné son numéro de portable, personnel, elle était son lien pour l’affaire. A moins que tout cela ne fût une invitation déguisée.
Il ouvrit son agenda pour y griffonner quelques notes et pistes à suivre. Il replongea dans son fauteuil, se retourna vers la fenêtre et constata que décidément les fenêtres avaient besoin d’être nettoyées.

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