Le samedi 14 – où le pire n’est jamais sûr.
C'est une des superstitions de l'esprit humain d'avoir imaginé que la virginité pouvait être une vertu.
Voltaire
Il pouvait enfin passer à autre chose. Il sortit sur le perron de sa porte, prêt à affronter une nouvelle journée qui ne serait pas basée sur la malchance et les emmerdements.
Il s’alluma une cigarette. Cela faisait bien longtemps qu’il n’avait pas fumé. Mais bon cette journée passée avait été exceptionnelle, il pouvait bien s’en griller une, savourer ce présent du samedi 14, ce présent libérateur. C’était une cigarette de sa femme. Elle avait oublié son paquet sur la table de la cuisine. Preuve qu’elle était bien agitée tout de même.
Il allait fumer cette cigarette, se mettre au lit et à la première heure il irait la chercher, sa femme. Il irait chez sa belle-mère et ils prendraient le temps de parler, comme le font les couples quand ils traversent une crise.
— Bonsoir commissaire, dit une voix sortie de nulle part.
Il se tourna vers la voix qui lui semblait familière, jeune. De derrière la haie, apparut (si dans le noir on peut apparaître) la fille du maire. Le commissaire sourit. La chance revenait. Voilà. En passant au samedi 14, le cours normal des choses allait pouvoir reprendre.
- Eh bien, où étais-tu ? je t’ai cherchée…
- Oui, je sais. C’est pour ça que j’ai fugué.
-Comment ? Pour que je te cherche ?
-Oui, comme à chaque fois. Ce que je veux c’est que vous me rameniez chez moi. Partager un instant ensemble. Etre à vos cotés. Sentir votre main sur mon bras. Vous sentir contre moi. Et me dire qu’un jour ou l’autre, vous allez finir par m’embrasser, me prendre dans vos bras, que nous allons enfin vivre une grande histoire tous les deux …
-Mais, mais, mais, mais …
-Oh embrassez-moi, commissaire…
Et la nuit s’étendit sur eux.
Ce n’est que plusieurs jours plus tard que le commissaire se souvint que sa femme avait avancé la pendule d’une dizaine de minutes. Elle avait dit : « C’est pratique quand on attend des invités, on n’est jamais en retard. »
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