Je suis là, enfermé. Je ne bouge pas, ou si peu, que si peu veut dire pas. Je ne bouge pas. Je suis enfermé. Enfin, je dis enfermé, mais ce n’est pas tout à fait vrai. Ou plutôt si. Je suis enfermé et je ne suis pas enfermé. Mais ce qui est sûr, c’est que je ne bouge pas, ou si peu – que si peu veut dire pas. Pas de pas. Rien de travers : à moins que tout aille de travers. Je devrais dire : « Je suis là comme enfermé, je bouge si peu, que c’est comme si je ne bougeais pas d’un pas – ou plus d’un pas, pas un pas de plus – du tout. Je ne bouge plus du tout. Voilà, c’est ça : « Je suis là, comme enfermé et je ne bouge plus. » » Le pas, la main, rien ne bouge plus, rien ne bouge pas : ça ne bouge pas, mais ça parle, encore un peu ; là, comme un pas dans ma tête : ça bouge tout doucement, ça a bougé, mais ça ne parlait pas, ou si peu, que maintenant, ça parle un peu, mais sans trop bouger, sans plus bouger d’un pas.
C’est le choc : sur la tête, quand je faisais encore des pas, de travers, souvent, des pas de travers, et le choc, là, sur la tête. Et alors je n’ai plus bougé d’un pas, mais ça a commencé à parler, différemment, dans la tête, là où j’ai reçu le choc : on aurait pu croire, que, mais en fait non, le pas s’est arrêté, mais la voix, dans la tête a continué. Le flottement. Ça flotte dans la tête, doucement, un doux flottement, un doux flot, une douce flotte qui dans ma tête fait comme des pas, mais pas plus, ou plutôt pas, de pas, mais des voix, qui dans ma tête flottent comme des fantômes. Des fantasmes de pas. Dans ma tête. Que se passe-t-il quand la figure déraille ? quand la figure défaille ? quand la métaphore devient invivable ? quand la vie tout autant ? quand survient le choc sur la tête ? et qu’advient-il de moi quand mes pas rencontrent la mort ?
En fait tout devient comédie, pitrerie, figuration, méchanceté, paradoxe, sophisme, illusion, provocation, mensonge, jonglerie : y’a un mot pour ça : un mot qui dit en un mot tout ça : qui évite la liste, les mots, un mot qui remplace les mots, les mots remplacés par un mot : pas besoin de faire un pas de plus, y’a un mot pour tout dire et être à l’abri des chocs sur la tête suite au pas de travers : un mot pour traverser.
Tout est ce mot : dans la tête : enfoui. Tout simplement un mot, un mot tout simple : on le dit et on n’en parle plus : ou plutôt, si, on en parle encore et encore. En parler. Il faut que l’on en parle, toi et moi, maintenant, si tu veux, ou plus tard, mais tu sais que c’est important d’en parler, de le dire, là maintenant, ou plus tard, si tu veux.
Je ne veux pas me construire une misérable figure avec de gratifiants fantasmes, de suspects biographèmes : tu vois le genre : me raconter par petit bout, laisser aller, la voix qui en moi, depuis le choc sur ma tête m’a enlevé le pas mais ne m’a pas laissé sans voix : tu préférais quand je dansais ? quand je marchais ? quand mes pas recouvraient ma voix : oui moi aussi, je préférais.
Hanté : je suis hanté par cette voix depuis le choc sur la tête qui m’a laissé sans pas : qui m’a laissé sans mouvement, mais avec des mensonges plein la tête : des voix, une voix surtout : qui prend le pas sur mes pas et me laisse au final, finalement, sans voix, à moi, sans pas et sans voix. C’est étrange : possédé, hanté, je suis, par un fantôme qui mêle sa voix à la mienne et qui au final, finalement, me laissera sans voix à moi, sans mes pas, et sans ma voix.
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