jeudi 27 janvier 2011

Portrait de C.T. à l’œil bleu (I)


Portrait de C.T. à l’œil bleu

Il y a une photographie de lui, de C.T., presque de profil, et à l’œil bleu, si bleu – et même si la photographie est en noir et blanc, on devine, on sait que l’œil est bleu si bleu. C’est un portrait de C.T. à l’œil bleu.

Il existe déjà une Histoire de l’œil, mais pas, à ce que je sache, une Histoire de l’œil bleu. Elle serait à écrire, cette histoire, et C.T. en serait un des héros. On mettrait sur la couverture, ce portrait de C.T., qui même si en noir et blanc, on devine, on sait, que l’œil, son œil, est bleu, si bleu. Oui, elle serait parfaite, cette photographie de C.T. pour la couverture d’un livre qui s’appellerait Histoire de l’œil bleu.

Je sais qu’il y a une histoire du bleu. Ce livre s’appelle Bleu. Mais il ne parle pas de l’œil, de l’œil bleu de C.T., que l’on devine, que l’on sait, bleu, sur cette photographie en noir et blanc.

Et de son œil bleu, sur cette photographie, C.T. fixe le vide, semble fixer le vide. Il regarde quelque chose, mais comme s’il regardait rien. Il regarde comme s’il regardait tout. Mais avec son œil bleu, si bleu, C.T. ne regarde pas le rien pour le rien, mais il regarde le rien, parce qu’il sait qu’il n’y a rien. Le rien est devant lui, devant son œil bleu, si bleu, mais on ne sait à quoi il pense quand il regarde et fixe le rien.

Il ne regarde rien, il regarde le rien, de son œil bleu, si bleu, de son œil bleu si bleu, car il sait que sur ce rien, il peut tout bâtir, que tout peut se bâtir, du moment qu’on le regarde du bon œil, de l’œil bleu, de son œil bleu si bleu.

Regarder le vide, le rien et vivre fort, très fort : Verlaine, Rimbaud, Baudelaire, Artaud, Büchner, Kleist… plonger avec eux, d’un seul œil, un œil bleu si bleu, qui fixe le vide.

Son œil bleu si bleu qui fixe le rien, n’est pas un refus, mais une hostilité participante, pas un rejet, mais une intériorisation polémique, pas une fuite, mais une insertion offensive, pas un nihilisme, mais une ironie lucide et créative. Avec son œil bleu si bleu, il est en guerre. Il se déclare en état de guerre totale. Et son œil bleu si bleu le rend indépendant, affirme son absolu et sa radicalité, le fait sortir du retranchement de la solitude et du solipsisme. Cet œil bleu de C.T. que l’on devine, que l’on sait, bleu, si bleu, même si la photographie est en noir et blanc, c’est ça, c’est tout ça, c’est encore plus.

Cet œil bleu, si bleu, cet œil bleu si bleu est un œil adorable, méchant, séducteur, cachottier, drôle, despotique… un œil qui existe.

Il est fabricant de poème : un artisan, un ouvrier, un prolétaire. Il lutte avec la matière : il la façonne, il la broie, il la coupe, il la découpe, il la pétrit, il la cajole, il la caresse, il l’aime, il la tord, il la transforme… il travaille avec ses mains : carnet et crayon dans sa poche : et toujours, avant de l’attaquer, de s’y attaquer, de la coltiner, de s’y coltiner, il la regarde, de son œil bleu si bleu.

En regardant, encore et encore, cette photographie de C.T. à l’œil bleu, comme je l’appelle maintenant ; je me suis aussi demandé, s’il y avait un livre qui s’appelait Un cœur si bleu ? Je n’ai pas cherché ; et je veux garder cette idée de titre, si un jour je devais écrire plus longuement sur C.T., à l’œil bleu. Si bleu.

1 commentaire:

gwendoline a dit…

Un coeur si bleu, forcément, si bleu !